Rosetta toujours à l’écoute de Philae
Rosetta, véritable mission de tous les records, tient en haleine le grand public autant que les scientifiques du monde entier depuis le 12 novembre 2014, quand Philae, son atterrisseur, suivi de près par les équipes du SONC, le Centre d’opération scientifique et de navigation du CNES à Toulouse, se posait à la surface de la comète. Les résultats à mettre à l’actif de l’orbiteur Rosetta et de son atterrisseur, Philae, sont aussi nombreux qu’inédits, et en font une véritable mission pionnière, attestant d’ores et déjà d’un succès sans précédent. Après un premier atterrissage compliqué sur le site d’Agilkia, le programme scientifique prévu sur le site ne pouvait finalement pas être réalisé. Néanmoins, alors que Philae était en train de voler, contre son gré, d’Agilkia vers le site d’Abydos, ce sont 60 heures d’opérations scientifiques sans précédent qui étaient réalisées, faisant de Philae un véritable pionnier. Philae passait alors en « hibernation », par manque d’électricité, mais se réveillait de façon autonome, à la fin du mois d’avril 2015, alors que l’ensoleillement ambiant et la température devenaient suffisants ; il n’envoyait cependant qu’en juin et juillet 2015 des signaux, pendant 8 créneaux de communication, prouvant ainsi qu’il était bel et bien en vie. Les tentatives entreprises après le 9 juillet et jusqu’à aujourd’hui n’ont pas permis d’établir à nouveau le contact, ni à l’approche du périhélie à la mi-août 2015, ni après avoir dépassé ce dernier.
Cependant, bien que minime, l’espoir d’écouter à nouveau le petit robot continue d’exister, l’orbiteur Rosetta se rapprochant régulièrement de la comète, une mission délicate au vu des dangers environnants, en tête desquels la poussière soulevée par le dégazage. La distance entre l’orbiteur et l’atterrisseur est aujourd’hui de 50 km. Plus cette distance s’amenuise, plus les chances de rétablir le contact augmentent. D’un autre côté, la comète s’éloignant rapidement du soleil, l’énergie reçue sur ses petits panneaux solaires diminue. Enfin, position et orientation ne sont connues que par calcul, d’où l’importance de prendre des images au sol de Philae. La distance idéale serait une orbite à 10 km d’altitude mais exposerait pour l’instant l’orbiteur à de trop grands dangers. De telles altitudes seront atteintes à l’horizon de l’été 2016. Philae et son environnement seront alors vus d’assez près pour vérifier son attitude et sa position à la surface de Tchoury. La possibilité de tout de même parvenir à effectuer une phase d’opérations scientifiques avec Philae pourrait se jouer en établissant la communication lors d’une série de survols proches de l’orbiteur au-dessus du site d’Abydos dans les semaines à venir.
Aujourd’hui, Philae est parvenu à effectuer 80% des opérations scientifiques qu’il était censé conduire à la surface de Tchoury, un résultat exceptionnel pour une première scientifique mondiale, parvenir à poser un atterrisseur sur une comète.
En effet, comme en attestent les premiers résultats scientifiques, parus dans la revue Science le 31 juillet 2015, les données et informations acquises par Philae pendant ses 60 heures d’activité à la surface de la comète sont nombreuses. D’autres parutions suivront, mais les premiers retours scientifiques nous en ont déjà appris beaucoup. Avant tout, sur les molécules organiques inédites présentes dans l’environnement de Tchoury, détectées lors de la première analyse chimique réalisée par Philae, puisque ce sont en tout 16 composés différents qui ont été identifiés, répartis en six classes de molécules organiques, dont quatre étaient détectées pour la première fois sur une comète, comme par exemple l’acétone. Sur le plan de l’environnement du site Abydos, la caméra CIVA (Comet Infrared and Visible Analyser) a pu capturer des images d’amas sombres, vraisemblablement des grains de molécules organiques, qui auraient pu favoriser l’apparition de la vie sur Terre. Au niveau de la physionomie de la comète, des éléments ont pu être mis en évidence lors des atterrissages et rebond de Philae, le sol d’Agilkia serait ainsi composé d’une vingtaine de centimètres de matériaux granuleux, alors que trois centimètres de poussière recouvreraient la surface d’Abydos. En revanche, contrairement aux attentes, l’intérieur de Tchoury s’est révélé plus homogène que prévu, comme cela a été déterminé par l’instrument radar CONSERT (Comet nucleus sounding experiment by radio transmission), qui a permis pour la première fois de déterminer la structure interne d’un noyau cométaire. Enfin, d’autres résultats nous en ont appris plus sur les variations de température à la surface de la comète, ainsi que sur la composition du sol de Tchoury, sur lequel on peut trouver, en dehors d’une poussière omniprésente, des blocs de quelques mètres mais aussi des grains de quelques centimètres à 10 centimètres.
Pour Philippe Gaudon, le responsable du SONC, et ses équipes, la surveillance continue. En effet, avec des moyens et une équipe réduits, la mission reste inchangée pour le centre d’opération scientifique et de navigation du CNES à Toulouse. Il continue à écouter Rosetta, dont les antennes sont toujours dirigées vers Philae, dans l’attente de son moindre souffle.
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